2500 routiers à Vézelay, tous unis par un même symbole : le foulard brun uni, simple et beau. Par sa sobriété, comparée aux foulards de groupe bariolés, il détonne et interroge…
En te remettant ton foulard routier, ton chef de clan a improvisé quelques mots… et pour cause : il n’y a pas de cérémonial! Il a vraisemblablement essayé de te donner quelques symboles : couleur de la terre et de l’attachement au pays de nos ancêtres, ou peut-être la couleur de la bure des franciscains, et sans doute sa forme carrée, pour pouvoir le couper en deux, comme jadis Saint Martin découpa son manteau pour en couvrir un pauvre aux portes de la ville d’Amiens… Alors ton nouveau foulard est devenu bien sympathique, et il t’a certainement plu de vouloir suivre le panache du futur évêque de Tours!
Il serait bien léger de ne s’arrêter qu’à l’image dorée du cavalier avec son épée (notons au passage que la chlamyde de Saint Martin était bien blanche, comme il sied aux officier de la légion romaine…), car finalement ce geste éminemment chevaleresque nous ramène à l’âge éclaireur. Ce qui nous inspire comme routier, c’est le songe de la nuit suivante. En effet le Christ apparait alors à Saint Martin, vêtu de la moitié de la chlamyde, dont il avait recouvert le pauvre d’Amiens transi de froid. Et Martin, alors seulement catéchumène, comprend l’appel du Christ à le suivre et demande le baptême : il a alors 18ans. C’est donc à l’âge où tu rentres au clan pilote que le Christ t’appelle aussi personnellement à la générosité du don de toi pour les pauvres, à Son service donc : » amor Dei usque ad contemptum sui « , (amour de Dieu jusqu’au mépris de soi) comme l’écrit le grand Saint Augustin. C’est en te donnant aux autres que tu trouveras ta vocation singulière, et c’est tout l’objet de la pédagogie de la route.
De la même manière, au-delà la couleur de la terre, la symbolique nous appelle tout droit à relire la Genèse. « Elohim forma ha-adam, poussière de ha-adama » (1) : ha-adam, c’est « l’homme », littéralement « le (cul) terreux, le glaiseux ». Et la liturgie du mercredi des cendres nous rappelle que nous sommes poussière (de terre) et que nous retournerons en poussière (à la terre). Tout ceci pour nous rappeler que nous sommes créés, par Dieu, et à son image. L’homme, doit donc son existence à un acte de pur amour du Bon Dieu. « Avant même de te former au ventre maternel, je t’ai connu » (2). Nous avons été conçus dans le cœur de Dieu, et donc « chacun de nous est le fruit d’une pensée de Dieu ». Chacun de nous est voulu, chacun est aimé, chacun est nécessaire. (3) .
L’homme, tout comme l’humilité, tirent leur étymologie du même terme « humus », la terre.L’humilité, j’allais dire l’humanité, consiste à accepter qu’il n’est rien en nous, (à part sans doute nos fautes et nos manquements), que nous puissions nous attribuer à nous-même, à nous seul puisque nous sommes créés… Tous nos talents, nos qualités, notre intelligence… nous n’en avons aucun mérite, puisqu’ils sont tous des dons du Bon Dieu. Notre devoir et de les accepter, en les recevant du Créateur. Notre seul mérite, est de les remettre à Son service, c’est à dire au service du Bien commun. L’enjeu du temps pilote, c’est bien de découvrir notre vocation d’homme, notre rôle spécifique à jouer dans le monde, c’est à dire la pensée spéciale que le Bon Dieu a eu en nous créant par pur amour.
Enfin, s’il est vrai que la bure des franciscains est bien brune, tout comme celle de leurs frères les capucins, rien ne dit que c’est la couleur choisie par Saint François pour lui-même ou pour les Frères mineurs. De fait, les habits conservés de Saint François se composent de différentes pièces d’étoffes de couleur non homogènes allant plutôt vers le gris, le noir et le brun. Saint François choisit pour lui et pour ses frères de s’habiller de la même façon que les pauvres de la société pour « épouser Dame Pauvreté », en se consacrant à la prédication, et gagnant son pain par le travail manuel ou l’aumône. Alors plutôt que la couleur, retenons la spiritualité de Saint François, son intense communion avec la nature, sa fuite de l’esprit du monde, et son souci de la pauvreté. Et Dieu sait si notre monde est rempli de pauvres et de blessés de toute sorte. Le routier à l’exemple de St François est appelé à les aimer passionnément en vivant sobrement pour lui-même. Et quelle prodigalité que la spiritualité de Saint François qui entraîne dans son sillage pas moins de 87 saints et bienheureux parmi lesquels autant de saints qui inspirent naturellement les routiers : Saints Louis IX, Vincent de Paul, Benoît-Joseph Labre, Jean Bosco, Jean-Marie Vianney, Padre Pio, mais aussi Saints Maximilien Kolbe, Jean XXIII, l’abbé Pierre, Franz Stock et tout récemment les Saints époux Louis et Zélie Martin…
Que la foule des saints t’accompagne,
En avant, in nomine Domini
(1) Livre de la Génèse 2:72
(2) Livre de (Jérémie 1,5)
(3) Benoit XVI, Homélie du 24 avril 2005 à la messe inaugurale du ministère pétrinien